Réforme des cotisations d’autoentrepreneurs : quand le gouvernement perturbe le marché plus qu’il ne l’aide

par Hegemon - 7 octobre 2019 - Catégorie : Économie - Tags : ACCRE, Autoentrepreneur, Economie, Entrepreneuriat, Réforme

Le mois dernier, les représentants des autoentrepreneurs apprenaient par voie détournée et à la dernière minute, qu’un décret secret devait être publié en catimini, pour faire machine arrière sur une décision annoncée en grande pompe, en janvier. A prévoir, une hausse brutale des charges, une perturbation violente pour les entreprises naissantes et une entaille profonde au lien de confiance.

Une initiative gouvernementale malheureuse

A l’approche de la nouvelle année, le gouvernement, soucieux de paraître dynamiser l’économie, annonçait qu’au premier janvier 2019, une mesure spéciale serait mise en place pour permettre un allègement des charges pour tous les créateurs d’entreprise sous statut autoentrepreneur. En effet, afin d’encourager l’entrepreneuriat (et donc, à terme, l’embauche), la réforme prévoyait que les charges sociales seraient réduites de 75% la première année, 50 la deuxième, 25 la troisième, pour enfin n’arriver à leur taux nominal qu’à la fin de ce biseau de lancement d’activité. Afin de ne pas perturber la gestion et les encaissements des divers organismes sociaux, la disposition retenue fut que le gouvernement complèterait les paiements de l’autoentrepreneur en question: un entrepreneur naissant de verserait qu’un quart de ses cotisations “normales”, et le gouvernement ferait parvenir à ses interlocuteurs sociaux les 75% restants, par exemple. Mais en Septembre, le gouvernement prend conscience de l’addition qu’il s’est lui-même infligée et annonce à la dernière minute changer les règles du jeu. A compter du 1er novembre, et quasiment sans préavis, les taux intermédiaires seront changés, réduits, et ce de manière applicable tant aux futurs autoentrepreneurs (le “flux”) qu’aux actuels (“le stock”). Les instances représentatives se ruent chez Muriel Pénicaud pour demander le gel du décret, afin de pouvoir réexaminer la réforme, y compris dans ses conséquences les plus nocives pour l’entrepreneuriat. Le décret est effectivement suspendu, mais le gouvernement n’a aucune intention d’en démordre. Alors, fausse bonne idée?

Une nouvelle usine à gaz

Administrativement, ce serait un massacre: l’URSSAF devra alors jongler entre les autoentrepreneurs actuels, en cours de création, établis de longue date… En tout, c’est 18 taux intermédiaires différents avec lesquels l’administration et l’administré devront se dépatouiller, avec d’innombrables perturbations à la clé, qui ne manquent pas de rappeler la gabegie du RSI. De l’aveu même d’une source proche du dossier, “les URSSAF seraient techniquement incapables de mettre en œuvre la réforme dans les temps impartis”. Lisez: il y aura des “rattrapages” une fois que les serveurs de l’URSSAF seront reconfigurés pour calculer les taux intermédiaires. Problème: puisque le gouvernement a procédé de manière volontairement “discrète” à cette annulation de réforme, la grande majorité des autoentrepreneurs ne découvrira que dans six mois qu’ils sont redevables de sommes qu’ils pensaient acquises. Une avalanche de cessation d’activités serait alors à craindre. Il est par ailleurs possible que ce soit là l’objectif masqué de la réforme, tant on sait combien certains tiennent à la fin du régime.

Les autoentrepreneurs, profiteurs du système?

Est-il besoin de rappeler que les autoentrepreneurs n’avaient pas demandé l’allègement de charges à leur encontre? En effet, la grande majorité d’entre eux ont choisi ce statut pour sa simplicité, et non pour “l’aubaine” que certains croient y voir. Car, si les charges sont effectivement inférieures pour un autoentrepreneur (environ 25%) que pour un salarié (environ 50%, charges salariales et patronales comprises), l’autoentrepreneur cotise à peu près pour du beurre, alors que les cotisations salariales ouvrent des droits très onéreux et sécurisants. La protection sociale des autoentrepreneurs est si minime que bien peu d’indépendants la sollicitent. Qu’importe, les autoentrepreneurs étaient prêts à remettre 25% de leur chiffre d’affaires, en échange de pas grand-chose, tant qu’on les laissait travailler sans les étouffer de complexité administrative. Dans cette mesure, le gouvernement est possiblement en train de tuer sa plus belle poule aux œufs d’or. A noter: il n’existe aucune donnée permettant d’indiquer si, effectivement, les autoentrepreneurs “pèsent” sur le système ou, au contraire, le nourrissent. A en juger de leur demande de protection sociale quasi-inexistante, la deuxième hypothèse paraît plus probable.

Instabilité, mère de tous les vices

Au-delà de la question de la contribution fiscale, l’affaire est bien plus grave par le coup de canif qu’il porte à la confiance économique, facteur fondamental du développement. Le gouvernement met en place un allègement de charges, même si les autoentrepreneurs ne le demandent pas : soit, tant mieux. Mais, depuis 9 mois, des dizaines de milliers d’entrepreneurs ont lancé leur activité, sur la base d’un business plan qui faisait confiance à la parole de l’Etat. 9 mois plus tard, parce que le gouvernement a pris une décision inconsidérée et a “besoin d’argent”, c’est autant d’entreprises dont les jambes seront coupées si le cap est maintenu. Comment demander aux indépendants, autoentrepreneurs ou sous d’autres statuts, de parier sur l’avenir si le gouvernement crée artificiellement plus de perturbations que les marchés n’en contiennent déjà naturellement.

Ronald Reagan prétendait que la phrase qui l’effrayait le plus au monde était “Bonjour, je viens de la part du gouvernement, je suis là pour vous aider”. En l’espace de moins d’un an, Paris aura eu le temps de sortir une idée alléchante de son chapeau, revenir dessus, déséquilibrer ses propres comptes et causer une blessure majeure dans l’esprit entrepreneurial français.

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